Une Délégation de Service Public (DSP) pour les cantines scolaires melunaises : un choix rétrograde.

 

La mairie de Melun a signé le 21 février 2012 un contrat qui la lie pour 10 ans et quatre mois à la société AVENANCE, bientôt ELIOR, qui se chargera en lieu et place de la mairie d’assurer le service de la restauration scolaire.
Rappelons que la mairie devrait poursuivre plusieurs objectifs principaux :

  • garantir une nourriture saine et équilibrée aux enfants,
  • permettre à toute famille melunaise d’avoir accès au service de la restauration scolaire,
  • mettre à la disposition des enfants et de son personnel des installations conformes et agréables.

Bien entendu, ces objectifs doivent être poursuivis dans des conditions économiques acceptables. Mais la diminution des coûts ne devrait pas constituer une priorité.

En conséquence, nous nous opposons à la décision que vient de prendre la mairie de Melun.

D’abord, pour une question de principe, car seul le service public peut permettre d’atteindre véritablement les objectifs précités en garantissant l’égalité des citoyens. Un principe qui échappe à la logique lucrative de la sphère privée qui a vocation à faire des bénéfices.

Ensuite, parce que ce choix d’une DSP génère des difficultés majeures dont certaines sont en totale contradiction avec ces mêmes objectifs.

Par exemple, on peut noter l’incohérence qu’il y a de la part de la mairie à prétendre que la santé des enfants constitue une préoccupation essentielle (programme EPODE) et, dans le même temps, à leur fournir une nourriture industrielle.
Nous savons très bien que cette nourriture est, entre autres, responsable de l’augmentation du nombre de pathologies graves chez les plus jeunes, comme l’obésité et peut même être à l’origine de cancers. Or, la mairie s’obstine à limiter à 20% l’obligation d’aliments biologiques. Ce taux ridicule ne constitue aucune évolution par rapport à ce qui existe aujourd’hui. Il aurait pu, comme à Saint-Etienne avec la même société privée, être porté à 50%.
Rappelons que deux études de Générations Futures viennent de montrer, d’une part que les repas types, équilibrés mais non biologiques, d’un enfant dans une journée comptaient 81 substances chimiques dont 40 classées « cancérigènes possibles ou probables » et 5 « cancérigènes certaines » et, d’autre part que les aliments bio sont exempts de résidus de produits chimiques.
Il est d’ailleurs faux de dire que le bio coûte plus cher dans la restauration collective. Parce que la matière première ne représente qu’un très faible pourcentage du prix de revient d’un repas et qu’une augmentation de 20 % du prix de la matière première (en imaginant qu’on passe à une cantine 100% biologique) signifierait une augmentation du prix de revient du repas inférieure à 10%.
Ce surcoût est facilement compensable en introduisant, comme par exemple dans le deuxième arrondissement de Paris où les enfants mangent bio, un repas où les protéines animales sont remplacées par des protéines végétales.
Tout comme il est ridicule d’opposer le manger local et le manger bio. Il faut manger local et bio, l’un n’étant, en aucune manière, exclusif de l’autre !

Par ailleurs, le contrat DSP prévoit que les repas seront livrés la veille et préparés entre deux et trois jours à l’avance (J-2, J-3), qu’ils seront réchauffés sur place et servis dans des barquettes biodégradables collectives ou individuelles et nous ignorons dans quel type de contenant les repas seront acheminés et réchauffés.
Par conséquent, nous pouvons très légitimement nous interroger sur les qualités nutritionnelles des repas qui seront servis à nos enfants et sur leur exposition générale aux résidus de pesticides et autres produits chimiques.

Une deuxième contradiction réside dans cette autre incohérence qu’il y a à avoir adopté un « Agenda 21 » et à délocaliser à une quarantaine de kilomètres la production des repas servis dans les cantines scolaires melunaises, au mépris de ce que cela signifie en termes de gaspillage énergétique et de pollution atmosphérique. A-t-on idée du nombre de kilomètres et de véhicules qui seront nécessaires tous les jours de la semaine pour acheminer les quelques 1700, bientôt 2000, repas servis dans les cantines melunaises ? Dans le même ordre d’idée, connaît-on la quantité d’énergie qu’il faudra dépenser pour maintenir la chaine du froid entre le moment où le repas est fabriqué et celui où il est consommé ? Enfin, les repas seront d’abord cuits et ensuite réchauffés, générant ainsi une double consommation d’énergie. Etant donné l’augmentation inévitable du coût de l’énergie, ce mode de gestion risque, à terme, de nous coûter très cher.

Un troisième point à soulever est constitué par le problème de la perte des compétences des agents en charge des activités liées à la restauration scolaire qui seront redéployés ailleurs, rendant plus difficile à l’avenir la mise en oeuvre d’une vraie politique écologique de la restauration scolaire. Car on regrette que la mairie n’ait pas utilisé ce levier extraordinaire pour aider à développer et à relocaliser une agriculture vivrière et biologique. C’est pourtant le choix que certaines villes n’ont pas hésité à faire, comme par exemple Lons-Le-Saunier.

Bref, les solutions ne manquent pas, c’est la volonté politique qui manque.
On sent derrière tout ça l’application doctrinaire et sans sens critique d’une politique ultralibérale, de plus en plus contestée, dont on s’aperçoit qu’elle est nuisible à la santé des hommes et à leur environnement sans apporter à la collectivité les bénéfices économiques promis.

Dans les mois qui viennent, nous serons très vigilants sur les points suivants :

  • le respect par la mairie de son engagement à accueillir tous les enfants dont les familles le souhaitent, que les deux parents travaillent ou non.
  • l’établissement d’une grille de tarifs plus large et d’un premier prix plus bas.
  • la qualité nutritionnelle des repas et leur absence de toxicité.

Nous veillerons également à ce que la mairie anticipe sur les critiques régulièrement émises par la Cour des comptes à propos des délégations de service public dans la restauration scolaire. Critiques reprises par « UFC Que choisir? » en janvier 2005 : une tendance du délégataire (la société privée) à encourager les villes à dépenser des sommes inutiles et du délégant (la mairie) à n’exercer qu’un contrôle insuffisant sur le délégataire.

Nous suivrons enfin attentivement toute décision de la mairie de façon à ce qu’elle n’ajoute pas aux inconvénients d’un tel choix une augmentation du prix du repas.

Bénédicte Monville-De Cecco
Co-responsable du groupe local Europe Écologie Les Verts, Melun-Val de Seine
Candidate EELV aux élections législatives 2012 sur la première circonscription de Seine-et-Marne