Melun hors Tafta/TTIP, c’est fait, grâce aux écologistes de Bien Vivre à Melun!

Bénédicte Monville-de Cecco et Claude Bourquard, nos conseillers municipaux écologistes, ont soumis un voeu au conseil municipal d’octobre 2015 pour inscrire Melun en zone hors-TAFTA – expression symbolique de la contestation du traité transatlantique tel qu’il est actuellement l’objet de négociations internationales. La perception des dangers qu’il comporte n’aura pas échappé à leurs collègues de tout bord qui, au nom de l’intérêt général, ont voté unanimement ce voeu. En voici le texte, et l’écho de cette décision dans la presse (La République, 19 octobre 2015).

 

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Conseil Municipal de Melun

Séance du 15 octobre 2015

STOP TAFTA/TTIP

Vœu présenté par Bénédicte Monville-De Cecco et Claude Bourquard pour le groupe « Bien vivre à Melun » à l’occasion de la semaine d’actions contre les traités transatlantiques dits « de libres-échanges » TAFTA/TTIP (l’accord UE-États-Unis) et CETA (le traité UE-Canada) et de la remise des 3 millions de signatures de l’initiative citoyenne européenne (ICE) Stop TTIP/TAFTA à Bruxelles.

Attendus :

TAFTA ou TTIP, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, vise à lever tous les obstacles au commerce entre les pays signataires, tels que les droits de douane ou les normes techniques, sanitaires, sociales et environnementales. Ce partenariat engloberait de larges domaines de la vie économique : le commerce, les services, les commandes publiques, l’agriculture, l’exploitation minière, etc. Il aurait des répercussions considérables sur notre démocratie, l’Etat de droit, nos conditions de travail, la protection des salarié-e-s, des consommateurs et de l’environnement, notre système de santé publique et d’éducation.

Si les entreprises transnationales et leurs actionnaires voient dans ces accords un moyen d’accroître leur profit en supprimant les droits de douane et les normes de protection, une partie de plus en plus importante des élu-e-s, syndicats, ONG et citoyen-ne-s, en Europe et aux États-Unis, s’inquiète des répercussions négatives de ces traités négociés dans la plus grande opacité.

D’autant que leurs effets sur l’emploi sont contestés. Ces traités créront peut-être des emplois dans certains secteurs mais détruiront des emplois dans des secteurs où nos pays et, en particulier, nos petites et moyennes entreprises, sont moins armés pour affronter la concurrence internationale.

Deux aspects du TAFTA/TTIP menacent particulièrement notre démocratie :

  • L’ISDS (« Investor-State Dispute Settlement » ou mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États) permettrait aux grandes entreprises de poursuivre des gouvernements devant des tribunaux privés pour des lois dont ils considèrent qu’elles affectent ou affecteront les profits futurs escomptés. Les cas seraient instruits secrètement et les entreprises pourraient se voir attribuer des millions d’euros en compensation de profits effectivement perdus, mais aussi pour des profits escomptés. L’ISDS pourrait non seulement annuler des lois mais dissuader nos collectivités d’agir dans l’intérêt général pour échapper aux risques de poursuites.1

  • La « coopération réglementaire » exigerait des lois et des réglementations existantes ou futures qu’elles ne se dressent pas sur le chemin du commerce transatlantique. Autrement dit, toute règle qui menacerait les bénéfices des entreprises pourrait être étouffée par les lobbies industriels avant même d’être débattue dans nos parlements ou par le public.

Or, si l’accord est adopté il s’appliquera non seulement aux Etats de l’UE, mais également à toutes les composantes de ces Etats : en France, les Régions, les Départements et les Communes.

L’article 4 du mandat conféré par les 28 gouvernements de l’UE à la Commission européenne pour négocier avec les USA un grand marché transatlantique précise : « Les obligations de l’Accord engageront tous les niveaux de gouvernement. »

Autrement dit, les réglementations prises au niveau municipal sont directement visées par ce projet dès lors qu’elles produisent des normes considérées par les firmes privées comme des « obstacles inutiles à la concurrence » ou « plus rigoureuses qu’il est nécessaire ».

L’article 23, qui traite de la libéralisation (supprimer toutes les législations et réglementations restrictives) et de la protection (supprimer toute forme de taxation ou de contraintes sur les bénéfices) des investissements, enlève aux juridictions officielles le pouvoir de trancher un différend entre firmes privées et pouvoirs publics au profit d’instances privées d’arbitrage. « Toutes les autorités et entités infranationales (comme les États ou les municipalités) devraient se conformer efficacement aux dispositions du chapitre de protection des investissements du présent Accord. »

Dès lors, une réglementation municipale pourra être attaquée devant un groupe d’arbitrage privé si elle est perçue par un investisseur américain comme une limitation à son « droit d’investir ce qu’il veut, où il veut, quand il veut, comme il veut et d’en retirer le bénéfice qu’il veut ».

L’article 24, empêchera qu’un appel d’offre fixe des exigences de localisation et l’accès des marchés publics locaux sera ouvert aux entreprises et firmes américaines au détriment des entreprises et firmes d’Europe ou de France, et à fortiori de la Commune ou de la Région.

Dès lors, une municipalité ne pourra plus exiger par exemple qu’un fournisseur d’un service comme l’approvisionnement des cantines scolaires soit localisé sur le territoire de la Commune (ou du Département ou de la Région) et qu’il s’approvisionne chez des producteurs locaux.

L’artcle 45, prévoit qu’un mécanisme de règlement des différends approprié fasse en sorte que les Parties respectent les règles convenues.
 « L’Accord devrait inclure des dispositions pour le règlement le plus indiqué des problèmes, comme un mécanisme de médiation flexible. »

Dès lors, une municipalité qui adoptera une norme – sociale, sanitaire, alimentaire, environnementale ou technique – qui contrarie une firme privée, pourra être attaquée devant un mécanisme d’arbitrage privé.

Voeu :

Le Conseil Municipal,

Après avoir examiné le contenu du mandat de négociation conféré par les Etats membres de l’Union européenne à la Commission européenne pour que celle-ci négocie, en vertu de l’article 207 du traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, avec les Etats-Unis d’Amérique, un accord de « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement »2 ;

Après avoir constaté que plusieurs articles de ce mandat précisent que l’Accord en négociation s’imposera aux municipalités et autres collectivités territoriales et notamment les articles 4, 23, 24 et 45 ;

Après avoir observé que plusieurs dispositions de ce mandat remettent en cause les prérogatives des collectivités territoriales telles que définies dans la Constitution de la Ve République et dans législation française ;

Après avoir souligné que les objectifs de ce mandat visent à remettre en cause les normes sanitaires, sociales, environnementales et techniques au prétexte qu’elles constitueraient un frein au développement du commerce alors même qu’elles garantissent la protection des personnes, salarié-e-s et consommateurs/trices, et de nos modes de vie ;

Après avoir noté que l’article 23 de ce mandat requiert la mise en oeuvre d’un « mécanisme de règlement des différends investisseur-État, efficace et des plus modernes, garantissant la transparence, l’indépendance des arbitres » indépendant de notre jusridiction nationale et des juridictions internationales ;

Considère que le projet en cours de négociation menace gravement les choix de société qui sont au fondement de nos modes de vie ;

Estime en conséquence que ce projet est inacceptable ;

Demande au Gouvernement de la République de dénoncer l’accord qu’il a donné pour cette négociation en Conseil des Ministres de l’UE le 14 juin 2013 ;

Refuse que tout ou partie d’un traité reprenant les termes du mandat du 14 juin 2013 s’applique au territoire de Melun.

1Ces menaces ne sont pas théoriques. L’ISDS est déjà utilisé par les entreprises dans le cadre d’accords existants. Pour prendre quelques exemples liés à l’énergie :

• La compagnie suédoise Vattenfall a utilisé l’ISDS pour demander 4,7 milliards de compensation au gouvernement allemand suite à sa décision de renoncer à l’énergie nucléaire.

• Le gouvernement égyptien a levé son interdiction d’importer du charbon après qu’une compagnie cimentière étrangère opérant dans le pays ait menacé de le conduire au tribunal. La seule menace d’une procédure longue et coûteuse et d’ indemnités potentiellement immenses à verser à cette compagnie a suffi à faire disparaître la loi.

2Texte intégral en français joint en annexe de ce voeu »

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