L’immigration : les vrais chiffres (suite à la soirée-débat du 14 mars)

La soirée du 14 mars dernier, à l’Espace Saint-Jean, consacrée à l’immigration, au racisme, à la xénophobie et à l’islamophobie, a été un succès : un soir de milieu de semaine, la salle, d’une centaine de places, était pleine. Nous comptions parmi les soutiens nombreux (partis politiques de gauches, syndicats, associations) et nous nous félicitons de la réussite de la soirée. Le mérite de l’organisation et de sa tenue à Melun revient principalement à Maxime Abdelaziz, membre du collectif D’ailleurs Nous Sommes d’Ici, et à Bénédicte Monville-De Cecco, militante écologiste engagée, elle aussi, dans le collectif. Bénédicte a, en outre, proposé une mise au point sur la réalité chiffrée de l’immigration dans le monde et pour la France. Comme promis ce soir-là, en voici la teneur (téléchargeable au format pdf en fin d’article).

Sylvain Kerspern, co-secrétaire du comité local Europe écologie-les Verts Melun-Val-de-Seine

Ampleur de l’immigration dans le monde hier et aujourd’hui

Il y a 200 à 230 millions de migrants dans le monde, soit un peu + de 3% de la population mondiale. 40% de ces migrations ont lieu du Sud au Sud et la plupart sont des migrations transfrontalières.

À titre de comparaison :
– 800 millions de touristes internationaux
– le nombre de migrants avant la première guerre mondiale représentait entre 10 et 15% de la population mondiale.

Au XIX ème siècle, ce sont les populations européennes qui se déplaçaient et s’installaient ailleurs : 60 millions d’Européens quittent l’Europe entre 1850 et 1920.

Aujourd’hui, la migration s’apparente toujours plus à de la circulation. Les migrants sont de plus en plus éduqués et circulent à la recherche d’opportunités de travail.
Par exemple, en France, après 5 ans, 60% des migrants ont quitté le territoire. Il faut donc parler de migrants plutôt que d’immigrés, de migrations plutôt que d’immigration.

A quoi sert l’immigration?

La peur entretenue sur le sujet la présente comme une prédation (ce qu’était assurément la colonisation). Le point de vue peut être tout différent pour qui considère que la planète n’appartient pas plus au Nord qu’au Sud, et que ses richesses doivent donc être partagées équitablement.

Ainsi, les migrations sont le principal moyen de redistribution de la richesse au niveau mondial.
Les 200 millions de migrants sur la planète envoient 300 milliards de dollars par an dans leurs pays d’origine
Cela représente :
– le deuxième type de transfert financier au niveau mondial après les transferts pétroliers
plus important que l’aide publique au développement (en 2009 = 119,6 milliards de dollars).
Exemple : au Maroc, le transfert d’argent des migrants représente 10% du PIB .

Autre idée reçue, celle du pauvre migrant inculte : les migrations internationales sont extrêmement sélectives. Statistiquement, ce sont les individus les plus dotés culturellement et socialement qui migrent.

 

En France : migration et implantation

60% de migrants repartis au bout de 5 ans : évaluer la situation en France ne saurait décidément se faire sur le seul flux amenant les étrangers dans notre pays, mais sur le solde migratoire.

Encore ne faut-il pas gonfler les chiffres comme Marine Le Pen, suivie par Claude Guéant, l’ont fait dernièrement en parlant de 200 000 immigrés par an (sous-entendus : qui restent durablement) – ce qui, en soit, est déjà nettement inférieur à la moyenne mondiale (0,3 contre 3).

On peut considérer que le chiffre véritable, pour le solde migratoire (entrée/sorties du territoire), est entre 52000 et 100000, cette dernière étant le chiffre donné par l’Insee. Soit en pourcentage, entre 0,15% et 0,08% de la population.

La population étrangère en France est stable depuis 20 ans et représente environ 8% de la population. A titre de comparaison, la proportion d’étrangers est :
– en Allemagne  de                 12%
– en Europe de                           8%
– en Amérique du Nord de     13%
Au niveau mondial, la France se situe dans la fourchette basse.

En France, l’immigration illégale a été estimée par une enquête européenne entre 200 000 et 400 000 personnes, soit 0,3 à 0,6% de la population.
– Même chose au Royaume Uni.
– 1,2% en Italie et en Allemagne.
– 2% et 4% en Espagne et en Grèce.

Contours de la population immigrée en France :
– 35% d’origine européenne,
– 31% du Maghreb,
– 17% d’Asie (dont 2,5% de Turcs),
– 12% d’Afrique subsaharienne.
Prenons le cas des migrations d’Afrique subsaharienne : elles sont minoritaires et récentes (les années 1970). Après 10 ans, 1/3 des migrants d’origine d’Afrique subsaharienne sont rentrés en Afrique.

En France,  de 12% à 25% des immigrés sont diplômés de l’enseignement supérieur (Insee). En moyenne, les immigrés d’Afrique subsaharienne (hommes et femmes confondus) sont plus diplômés du supérieur que la moyenne des immigrés résidant en France et, si on ne considère que les hommes, ils sont plus diplômés que les Français métropolitains.
(Résultats de l’enquête TEO de l’Ined et de l’Insee, 2008-2009).

 

Beaucoup repartent, donc, mais d’autres restent.

Selon l’INSEE, en 2008, 3,1 millions de personnes âgées de 18 à 50 ans, nées en France métropolitaine, sont descendants d’immigrés (un ou deux parents immigrés)

– 1/2 ont un parent immigré né en Europe
– 4/10 sur le continent africain (essentiellement au Maghreb).
– les descendants les plus jeunes ont des parents d’origines plus variées et plus lointaines.

 

Idées fausses sur l’immigration en France : la correction par les chiffres

  • “Les immigrés profitent des avantages sociaux et ne participent pas comme ils devraient.

En moyenne, les immigrés contribuent davantage à la protection sociale qu’ils ne touchent. En 2005, la contribution nette des immigrés au budget de l’administration publique s’élevait à 12 Milliards d’Euros. En moyenne, celle d’un immigré montait à 2250 euros, celle d’un natif à 1500 euros.”

Pourquoi? Parce que la grande majorité des immigrés sont actifs et qu’ils ont entre 25 et 40 ans. Ils participent à la richesse de notre pays, et à son avenir : les modèles dynamiques montrent que pour financer notre régime de protection sociale à l’horizon 2050 : avec un flux net de 100 000 personnes immigrées par an, il faudra trouver 3 points de PIB; sans, il faudra trouver 4,5 points de PIB.

  • « 50% des Français pensent que les immigrés font baisser les salaires des natifs ou autochtones »

Ils se trompent. Les effets sont à peu près nuls.
– Légère baisse pour les emplois qui sont en concurrence, de 0,04% à 0,18%.
– Légère hausse pour les emplois complémentaires.

  • « 34% des français pensent que les immigrés ont un impact sur l’emploi et le chômage. »

Autre erreur. Les immigrés étant eux-mêmes consommateurs, ils créent de la demande et ils créent des emplois. Entre 2 et 3 millions de français travaillent et vivent à l’étranger.
– La part de l’argent transféré par les Français qui résident à l’étranger vers la France est de 12 milliards d’Euros
– La part de l’argent transféré par les étrangers qui vivent en France est de 8 milliards d’Euros.
La France gagne à la mobilité

Le droit à la mobilité, c’est-à-dire le droit pour tout être humain de quitter le pays où le sort l’a fait naître, est un droit fondamental. Il confronte nos sociétés contemporaines à la question du vivre ensemble. Il nous appartient d’y travailler sereinement, de façon positive. Le présent document permet précisément une préparation objective, loin des peurs et des phobies suscitées.

Bénédicte Monville de Cecco, co-secrétaire du comité local, candidate sur la 1ère circonscription aux prochaines législatives

Sources.

Toutes les références sont empruntées au travail collectif :

Immigration: la contre-expertise

Audit de la politique migratoire à l’Assemblée nationale, par le collectif “Cette France là”.

Entre juin 2010 et mars 2011, de nombreuses personnalités (démographes, économistes, anthropologues, juges, policiers, syndicalistes, représentants du patronat, militants) ont été interrogées.

Les vidéos des auditions sont consultables sur internet sur le site de Mediapart ou Daily Motion.

 

Diaporama téléchargeable : Les chiffres de l’immigration_présentation 14_03_2012