EELV, Caen et après? Pour une réorientation politique et stratégique d’Europe Écologie Les Verts

 

Le week-end dernier à Caen au congrès fédéral d’Europe Écologie Les Verts, les 600 déléguéEs des sept motions en lice, éluEs deux semaines plus tôt dans le cadre du congrès décentralisé, ont à leur tour voté pour renouveler les instances de notre parti. Plusieurs de ces motions ayant fusionné dans l’entre deux tours, elles n’étaient plus que trois à se présenter1. Au final et en tenant compte des 7,66% de votes blancs, la victoire du courant majoritaire fut bien plus ténue qu’on voudrait nous le faire croire : 51,10%, et l’opposition aux pratiques et à la ligne politiques qu’il incarne, bien plus forte.

À l’issue de son élection, notre nouvelle secrétaire nationale a fait un discours dans lequel il n’a jamais été question de cette opposition. Sans doute écrit longtemps à l’avance, Emmanuelle Cosse n’a pas jugé utile de l’amender pour tenir compte des résultats effectifs du congrès et s’est, de fait, inscrite dans un mode de gestion du pouvoir politique contradictoire avec les principes d’une organisation politique démocratique, ouverte et reconnaissante des minorités.

Nous, militants écologistes, partageons tous le constat d’échec d’une économie néo-libérale productiviste et nous sommes tous conscients de l’urgence qu’il y a à changer de modèle économique et social.

Certes nous voulons que l’idéal écologiste que nous portons progresse dans la société et qu’il devienne non seulement un horizon souhaitable mais atteignable. Pour autant, nous ne sommes pas d’accord. Sur le fond d’abord, car nous ne remettons pas tous en cause avec la même conviction le dogme de la croissance.

Pourtant, il n’y a aucun doute sur le fait que nos économies croissantistes, obnubilées par la croissance du produit intérieur brut, accroissent d’abord les disparités entre pays et à l’intérieur de notre pays, qu’elles aboutissent au développement de modèles agricoles et industriels destructeurs des écosystèmes et nuisibles aux êtres humains, et à l’accaparement progressif de toutes les ressources, y compris les plus essentielles à la vie, par une oligarchie mondialisée au détriment des peuples.

Pourtant encore, il n’y a aucun doute que la promesse libérale d’un partage à terme des bénéfices est quotidiennement contredite par la progression de la pauvreté, l’accroissement des disparités sociales et de revenus, le démantèlement de l’État providence, la progression de pratiques d’exploitation du travail et des êtres humains, le renoncement face aux valeurs fondatrices de l’ensemble des mouvements politiques progressistes des deux derniers siècles parmi lesquelles l’égalité et la fraternité.

Cependant nous ne sommes pas d’accord sur les moyens pour parvenir à cet avenir écologique pour lequel nous militons.

Nous savons que notre participation au gouvernement affaiblit les écologistes. Notre parti politique ou les personnalités qui le représentent sont jugés sévèrement par l’opinion publique et nous déplorons de nombreuses défections ces derniers mois parmi nos militants.

Nous savons que les avancées obtenues par nos ministres, réelles, ne compensent pas les renoncements qui ont été dès l’origine de notre accord avec le parti socialiste la condition de notre inclusion dans la majorité gouvernementale et qui affaiblissent considérablement la crédibilité du combat des écologistes.

Nous savons que la transition énergétique que nous souhaitons remet profondément en cause notre modèle de concentration économique ou deux grands groupes de l’énergie décident des orientations de la politique énergétique pour tout le pays. Par conséquent, nous ne pouvons ignorer que notre proposition de changer de modèle énergétique est aussi une proposition pour changer de modèle économique et que les orientations du gouvernement Ayrault sont globalement contradictoires avec notre projet.

Aussi, nous sommes nombreux ce week-end à avoir exprimé des doutes sur l’opportunité de notre participation au gouvernement et demandé que ces doutes soient entendus.

Car il y tant de batailles à mener, tant de combats à livrer qui ont besoin que nos forces et toute l’intelligence collective que nous avons produite en pensant et en rendant possible des alternatives concrètes, se conjuguent à celles de la société civile, des mouvements sociaux et des partis politiques qui, à gauche, partagent notre idéal de justice sociale et de protection de la nature.

Les écologistes n’ont jamais été aussi forts que lorsqu’ils assument la critique radicale du modèle productiviste, croissantiste et nucléariste. Une critique consubstantielle de l’objectif écologiste que nous nous sommes donnés. Nous n’avons jamais été aussi forts que lorsque nous refusons un modèle qui précarise la vie sur terre, limite les libertés individuelles et accroît les inégalités.

La nouvelle direction de notre parti doit entendre cette très large minorité qui s’est exprimée à Caen pour une ré-orientation d’Europe Écologie Les Verts autour des fondamentaux de l’écologie politique, à la pointe des combats écologistes citoyens et des mouvements sociaux. Elle doit entendre cette très large minorité qui souhaite que la question des choix stratégiques fondamentaux pour notre parti soit soumise à ses instances démocratiques et plus largement à nos militants pour consolider et redonner du sens à notre parti politique.

Bénédicte Monville

Tête de la liste « Bien vivre à Melun », une liste écologiste et citoyenne de gauche pour les élections municipales de mars 2014

Co-secrétaire du groupe local Melun-Val de Seine

Elue au bureau départemental de Seine-et-Marne et au conseil politique d’île de France

1 La motion 1, issue de la fusion entre Pour un cap écologiste et Via Ecologica ; la motion 2, Là où vit l’écologie (LOVE) et la motion 3, Avenir écolo, La motion participative et Objectif terre

http://blogs.mediapart.fr/blog/benedicte-monville/051213/eelv-caen-et-apres-pour-une-reorientation-politique-et-strategique-deurope-ecologie-les-vert