« Marche pour l’égalité », au lendemain d’une belle soirée

Mercredi 4 décembre à l’espace Saint-Jean à Melun, dans une « salle comble », des gens de toutes conditions et de tous âges ont commémoré ensemble la marche pour l’égalité et contre le racisme qui arriva à Paris le 3 décembre 1983; nous avons échangé, partagé nos espoirs, nos craintes ou nos colères.

La soirée a débuté avec un film court (Douce France) rappelant le contexte et les motivations des marcheurs, le parcours de la marche jusqu’à un triomphe en trompe l’oeil. Ce film témoigne de l’âpreté du temps pour les populations immigrées, travailleurs des « Trente glorieuses » et les nombreuses victimes d’affrontements ou de bavures policières. Une partie importante évoque le conflit Talbot et les conflits entre travailleurs immigrés et nationaux, divisés par le discours politique. Le film témoigne tout à la fois du racisme ordinaire du temps et de son imbrication avec la question sociale : la fin des trente glorieuses, l’arrivée du chômage de masse.

Au fond, en quelques semaines, le sort de cette marche était scellé. Comme l’ont noté certains intervenants, des évènements fédérateurs se produisent régulièrement – comme la « France Black-Blanc-Beur » de 1998 – volontiers récupérés par les partis de droite ou de gauche; pourtant le droit de vote aux élections locales n’a toujours pas été accordé aux étrangers non communautaires, malgré les promesses de François Mitterrand ou de François Hollande. Pire, le recul se fait sur l’air faux du « ne remettons pas sur le tapis un sujet susceptible de faire monter le FN ». Et court toujours la comptabilité absurde des immigrés de la 1ère, 2è, 3è génération : il ne peut y avoir que des immigrés, les générations suivantes nées sur le sol français sont françaises.

Puis nos invités sont entrés en jeu. Amadou Gaye, qui avait rejoint la marche à Strasbourg en 1983 et en a été l’un des photographes. Il nous a offert une performance extraite de son nouveau spectacle construit à partir de textes venus d’Afrique, des Antilles, d’Amérique du Nord (Sengor, Césaire, Diop…). Puis Disiz nous a fait cet autre honneur de lire un texte rédigé pour l’occasion, dans le train qui l’amenait à Melun. Texte personnel, évoquant forcément ses relations distanciées avec le monde politique. Nécessairement, une partie de la soirée a tourné autour de cette question de l’investissement de personnalités issues des banlieues dans l’action politique.

Au final, le débat de très bonne tenue, parfois incisif mais toujours respectueux de la parole de l’autre, a duré plus d’une heure et s’est prolongé bien après que nous ayons dû quitter la salle. Le racisme, une question de personne ? de système ? Agir par le biais politique, ou autrement ? Attendre un autre regard, ou pas, considérer la nationalité comme accessoire, un élément de contexte dans le cadre d’une existence qui fait de nous des citoyens du monde ? Considérer l’identité comme un carcan dont il faut s’affranchir ? Toujours se battre contre les inégalités et leurs manifestations les plus brutales (accès au droits, échec scolaire, ségrégation, etc.)
Autant d’interrogations et d’éléments de réponse mis sur la table…

Il faut continuer la marche, pour dire la difficulté de grandir et vivre en banlieue dans un quartier à la mauvaise réputation, mal servi par les politiques municipales, ce qui se sait pour Melun. La solidarité républicaine ne doit pas s’arrêter aux portes des cités. Pour qu’elle s’exprime, il faut continuer le dialogue. Telle est notre intention, avec l’espoir que nous soyons en mesure, un jour, de nous en servir pour construire une autre citoyenneté, autrement mieux partagée.