Ci-dessous, trois interventions au Conseil Régional de Bénédicte Monville-de Cecco le 17 mars 2016.
1/ Secteur Ruralité et agriculture CR 09-16 :
Discussion.
La baisse des dotations, de nouvelles charges obligatoires, le désengagement des services de l’Etat rendent difficile la gestion communale tout particulièrement dans les communes rurales où il y a peu de moyens. La redéfinition de la politique agricole commune, une agriculture productiviste, essentiellement orientée vers l’exportation et les marchés internationaux, exposent les exploitations franciliennes à des difficultés croissantes. Et pourtant votre rapport empile des intentions souvent imprécises et parfois contradictoires et nous doutons que les solutions qu’il propose répondent aux difficultés réelles que rencontrent les territoires ruraux.
Que signifie par exemple quand on parle d’agriculture : « augmentation de l’investissement dans la compétitivité et l’innovation des entreprises, par la création de pôles d’excellence » ? Compétitivité par rapport à quoi, à qui ? Qu’est-ce qui définit l’excellence ? La durabilité des cultures ou leur productivité ? Quelques exemples de questions qui sans réponse précise, puisque nous n’en avons pas obtenu en commission, nous laissent penser que le modèle de développement agricole qu’il s’agit ici de promouvoir n’est pas le modèle résilient, pourvoyeur d’emplois locaux et d’une nourriture saine que nous souhaitons voir advenir.
D’ailleurs et puisque ce rapport parle d’agriculture nous nous étonnons de ne pas y trouver une seule occurence du mot « biologique ».
Rien non plus sur une politique de limitation des intrants chimiques (pesticides et engrais) quand on sait l’importance qu’il y aurait à préserver la biodiversité et permettre aux terres, considérablement appauvries par les traitements chimiques auxquels elles sont intensément soumises, de se régénérer. Mais, il s’agirait aussi de protéger les personnes. Les femmes et les hommes qui habitent ces territoires ont le droit de vivre dans un environnement sain, de respirer un air sain et d’avoir des cours d’eau non pollués. D’après les chiffres du ministère de l’environnement 12% des points d’eau en surface présenteraient une qualité permettant de produire de l’eau potable sans traitement spécifique, ce qui signifie que 88% de nos eaux de surface sont polluées. Ce n’est certes pas une petite affaire or votre rapport n’en fait aucun cas.
Ce rapport est aussi contradictoire quand il prétend dans l’exposé de ses motifs qu’il faut à la fois veiller à la préservation des terres agricoles tout en maintenant la possibilité pour les territoires ruraux de contribuer par exemple à deux grandes fonctions de la ville pourtant gourmandes en foncier : la logistique et le logement.
Quant aux axes d’intervention listés en annexes, certains nous semblent nécessaires comme l’aide au commerce de proximité ou le maintien des services publics. Mais là encore rien n’est dit sur leur mise en oeuvre concrète. Avez-vous l’intention de mettre un terme aux projets de développement des super-hyper-méga centres commerciaux qui non seulement mangent les sols dont nous avons déjà parlés mais tuent le commerce de proximité ? D’autres comme la gratuité des parkings autour des gares nous paraissent problématiques. Vous risquez d’encourager la circulation automobile dans les centres villes, quand il faudrait au contraire réfléchir à la promotion de parkings relais en périphérie des villes, couplés avec des transports en commun qui assuraient la liaison avec les gares. Enfin, le déploiement de la vidéo surveillance nous semble parfaitement inutile : extrêmement couteuse à installer et à entretenir il est inconcevable et absolument pas souhaitable que l’ensemble du territoire rural soit surveillé par des caméras. D’autres réponses aux problèmes que connaissent ces territoires existent comme de développer un plan régional zéro déchets qui réduirait quasi à néant le risque de dépôts sauvages.
Les communes rurales n’ont plus de moyens. Elles ont maitrisé leurs charges de fonctionnement et ne peuvent plus demander à leurs habitant-e-s des efforts. En outre leur capacité d’autofinancement est très faible. Ces communes rurales sont pourtant dans une situation qui leur permettrait d’inventer une nouvelle manière de vivre, résiliente, et d’initier véritablement la transition écologique de nos territoires. Nous regrettons que vous ne vous engagiez pas à les accompagner dans cette voie.
Votre rapport dessine des orientations de développement économique totalement passéistes et qui ont déjà montré malheureusement leur incurie. Alors Mme la présidente, je vous demande, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, qui sont les conservateurs dans cette assemblée ?
Explication de vote : abstention.
Ce rapport énonce les axes généraux de la politique que l’exécutif souhaite mettre en oeuvre sans concertation et sans rien dire de précis quant aux moyens qui seront employés. D’où viennent ces fonds ? Comment seront-ils répartis ?
Or nous avons des raisons de nous inquiéter. Vous avez déclaré vouloir privilégier un budget de relance de l’investissement tout en menant une politique de restriction budgétaire. Dès lors, une des questions cruciales que nous nous posons est quelles autres politiques sont abandonnées ? Vous annoncez vouloir diminuer voire supprimer les subventions de certaines associations. Mais les associations, Mme la présidente c’est 6% de la masse salariale privée et 3,5% du PIB, c’est plus que l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire réunies (3,4%). Ces associations sont très présentes dans nos territoires ruraux et jouent un rôle fondamental pour leur cohésion en développant des projets d’utilité sociale créateurs d’emploi. Vous dites aussi vouloir diminuer de 10% le budget des 29 organismes associés de la région, parmi lesquels nous trouvons NATUREPARIF ou l’ORDIF qui se sont révélés essentiels dans la connaissance de nos territoires ruraux et leur protection. Au contraire, il faudrait poursuivre le travail commencé. L’INRA (Institut national de la recherche agronomique) a établi la seule cartographie des sols disponibles pour l’ensemble de l’Île de France. Mais cette carte date de 2003 et, si elle donne des informations précieuses sur les types de sols, elle reste, aux dires de l’IAU (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île de France), imprécise et insuffisante. Pourtant, les sols assurent de multiples services fondamentaux et une politique sérieuse d’aménagement du territoire francilien doit passer par une volonté réelle de sanctuarisation des terres agricoles disponibles. Donc par le soutien à la recherche sur les sols franciliens et leur protection contre l’étalement urbain. En moyenne sur les 20 dernières années, ce sont 1860 ha de terres, le plus souvent agricoles, qui sont artificialisés par an. On sait que le marché foncier et les régulations foncières sont parmi les facteurs « de long terme » qui influencent le plus l’évolution des structures agricoles. Les volontés d’installation d’agriculteurs-agricultrices sont parfois arrêtées faute de terres disponibles. Par conséquent, l’élaboration d’un schéma de sanctuarisation des terres agricoles d’intérêt régional serait cruciale si nous souhaitons que se développe une agriculture francilienne de qualité et pourvoyeuse d’emplois locaux. Or, il n’en est jamais question dans ce rapport.
Et puis pour vous répondre, parce que vous avez parlé tout à l’heure, des lycéens et lycéennes qui, en Seine et Marne renoncent à poursuivre des études supérieures faute de transport ou d’une offre locale suffisante. Pourtant, vous prétendez instituer des bourses au mérite pour les bacheliers titulaires d’une mention très bien et l’égalité des aides sociales pour les lycées publics et privés. Mesdames la présidente et vice-présidente, souhaitez vous réellement régler le problème de l’inégalité scolaire par de telles mesures ? N’avez-vous jamais entendu parler de reproduction sociale ? En 1964, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron publiaient un livre important Les Héritiers, je vous en conseille vivement la lecture.
2/ Le logement
CR 39-16 « Dispositif anti-ghettos », explication de vote : contre
M. le vice président, vous avez déclaré vouloir « casser les ghettos » mais quelle est cette expression pleine de mépris ? Vous savez, si les franciliens et les franciliennes nous regardent comme vous l’avez dit, ils savent aussi nous écouter. Ces ghettos dont vous parlez sont pour beaucoup de nos concitoyen-nes leur lieu de vie, des lieux où ils-elles ont grandi, élevé leurs enfants, des lieux où ils-elles ont vieilli, des lieux auxquels ils-elles sont attachés malgré les difficultés qu’ils-elles peuvent y rencontrer, des lieux que nombre d’entre eux-elles s’engagent à améliorer par des actions multiples et quotidiennes au service de l’ensemble des habitant-es. Avez-vous déjà écouté Grand Corps Malade quand il dit : « Si je rends hommage à ces lieux à chaque expiration, C’est que c’est ici que j’ai puisé toute mon inspiration »?
Avez-vous M. le Vice Président déjà mis les pieds dans un des innombrables centres sociaux où travailleurs sociaux et habitant-es collaborent pour créer des espaces de partage, de rencontre, de réflexions, de discussions, de loisirs et participent activement à la vie de leur cité ? (la phrase suivante n’a pas été prononcée faute de temps) Il y a, voyez-vous, de multiples manières de faire de la politique et je ne crois pas me tromper ici en affirmant que les femmes et les hommes dans notre pays qui s’investissent dans leur quartier, dans ces ghettos que vous voulez « casser » sont bien plus nombreux-ses que nous qui siégeons dans des lieux cossus et que les services qu’ils et elles rendent à la population de notre pays tout entier sont sûrement bien plus fondamentaux.
Une chose est sûre M Geoffroy Didier, pour parler d’eux et d’elles de cette façon là non seulement vous ne les connaissez pas mais vous les méprisez. Une politique qui serait animée par le sens de la justice ne viserait pas à « casser les ghettos » mais à soutenir leurs habitant-es en leur donnant les moyens d’agir et en leur apportant les services publics qui leur manquent et de la meilleure qualité possible afin de corriger autant que faire se peut les inégalités considérables de richesse, de travail et scolaires qui les frappent.
Vous avez dit aussi faire vôtres les propos de Manuel Valls et ne pas vouloir ajouter de la pauvreté à la pauvreté (comme s’il était nécessaire de poursuivre la démonstration de la proximité idéologique qui existe entre vous). Mais, M. Didier, ce n’est pas en construisant des logements sociaux qu’on crée la pauvreté. En Île de France, comme le montre le graphique que vous avez joint au rapport suivant, 25% des francilien-nes remplissent les conditions de revenu pour accéder à un logement très social. Aujourd’hui en France, 8 million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. On compte 5 millions de travailleurs-euses pauvres et 3,5 millions de sans-abri, un chiffre qui, selon la fondation Abbé Pierre, a doublé en 10 ans. Or que s’est-il passé ces 10 dernières années? Une accélération et une amplification considérable des politiques néo-conservatrices de restriction budgétaire et la captation massive des revenus du travail par le capital à travers la remise en cause progressive, jusqu’à tout récemment, des droits des salarié-es et une baisse considérable de leur revenu (rémunération brute et part de leur salaire différé sous forme d’aides sociales et d’assurances maladie et vieillesse).
Alors M Geoffroy Didier je m’étonne d’un tel simplisme : supprimons les logements très sociaux et nous allons supprimer les pauvres. Et je demande à mon collègue de l’UDI, où sont les idéologues ? Car dans votre rapport si on lit dans les motifs que les communes pas ou peu pourvues en logement social devront se conformer aux obligations de la loi SRU, aucun article ne traduit en acte votre intention. Je pense pour reprendre une expression de M. Meignen que la lutte contre la « concentration de classe » commence là. A quand une politique de « déconcentration de classe » dans le 16è et à Neuilly-sur-Seine ?
Par conséquent, ce que vous allez faire à coup sûr c’est augmenter la précarité indigne que subissent déjà 8 millions de nos concitoyen-nes et fragiliser celles et ceux qui sans vivre sous le seuil de pauvreté voient leurs revenus diminuer année après année alors même que les rentes des grandes entreprises n’ont jamais été aussi fleurissantes et que la bourse n’a jamais permis une telle accumulation de richesse par les plus nantis.
3/ sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
CR 38-16 Soutien aux femmes victimes de violences, explication de vote : pour
(En réponse aux interventions du FN)
Il semble que les faux dévots du 21 siècle embrassent la cause des femmes pour mieux anéantir les quelques gains obtenus par les mouvements et associations féministes au 20ème siècle. Alors quant aux élucubrations insupportables du Front National je veux juste rappeler que le FN propose de répondre au chômage en ramenant les femmes dans les foyers ou qu’au parlement européen ses membres ont voté contre un texte portant justement sur l’égalité femmes-hommes.
Mais, Mme La présidente, revenons au rapport avec lequel vous souhaitez lutter contre les violences faites aux femmes. Lundi nous avons appris au conseil d’administration du centre Hubertine Auclert que vous aviez l’intention de diminuer de 30% les subventions versées par la région à ce centre. Il constitue pourtant une ressource fondamentale dans la lutte quotidienne contre les violences faites aux femmes. Ce centre est sûrement un exemple de ce qu’une collectivité peut promouvoir de meilleur et aujourd’hui ce sont cent associations qui en sont membres.
Depuis 2013, le centre a intégré l’observatoire régional des violences faites aux femmes. Or, les données produites par l’observatoire et le centre Hubertine Auclert montrent l’effort qu’il faudrait fournir si notre collectivité veut pleinement répondre aux problèmes vitaux que rencontrent ces femmes. En 2013, ce sont 793 femmes et 819 enfants qui ont été hébergés et mis en sécurité dans des structures associatives ou individuelles. Mais1442 femmes ont vu leur demande d’hébergement refusées faute de place disponible. Dans ce même rapport on lit : « Il est important d’offrir à ces femmes un lieu de vie stable et sécurisant où elle vont pouvoir se détendre et mettre à distance les violences qui les oppressent, provoquant anxiété et stress permanent. »
Par conséquent, Mme la présidente, augmenter le nombre de logements réservés aux femmes victimes de violences et à condition que ces logements leur soient accessibles économiquement, ainsi que vient d’en faire la démonstration Mme Corinne Rufet, est nécessaire mais en aucun cas suffisant. Nous parlons de passer de 50 à 100 logements, 100 logements quand le nombre potentiel de femmes qui pourraient en avoir besoin dépasse les 2000, quand une femme meurt tous les deux jours et demi en France sous les coups de son compagnon ou de son ex-compagnon. En amputant le centre Hubertine Auclert de 30% de ses subventions régionales vous risquez de nous priver d’un instrument fondamental dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Vous admettrez Mme la présidente que le signal que vous envoyez est, et c’est le moins qu’on puisse dire, contradictoire. Alors nous voterons cette délibération. Pour autant, nous serons extrêmement vigilants sur votre politique globale à l’endroit des femmes et nous espérons que le soutien de la région aux associations féministes ne manquera pas durant cette mandature.